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Les savants indiens tentent de domestiquer le soleil

Article paru dans Le Crestois du 29 mars 1952.

Les rayons du soleil sont un don de la nature distribué d’autant plus généreusement que l’on se rapproche de l’équateur. C’est pourquoi les habitants de ces pays tropicaux trouvent tout naturel de recevoir quotidiennement la bénédiction solaire. Par contre, dans les contrées où le soleil se montre rarement, sa chaleur est grandement appréciée et diverses tentatives ont été faites pour l’utiliser.

Quoique l’Inde soit abondamment baignée par le soleil, elle cherche cependant à transformer ces rayons en énergie. Celle-ci pourrait être d’une envergure prodigieuse puisqu’un petit état comme celui de Jodhpur, qui ne représente qu’un trentième de la superficie totale du pays, reçoit assez de chaleur pour subvenir, non seulement aux besoins de chaleur de l’Inde, mais à eux du monde entier. Ce projet d’exploitation de la chaleur solaire apparaît d’autant plus logique que l’on dépense chaque année des sommes formidables pour construire des machines génératrices de puissance, quand nous nous privons d’une richesse naturelle pour seule raison que nous ne savons pas par quel mécanisme on peut la domestiquer.

Jusqu’ici, les tentatives de ce genre n’ont pas été couronnées de succès, c’est pourquoi on suit avec beaucoup d’intérêt les recherches entreprises depuis plusieurs années par les savants indiens, notamment au Laboratoire National de Physique de la Nouvelle Delhi. L’aboutissement de ces recherches permettrait d’utiliser la collaboration du soleil pour faire cuire les aliments, obtenir des bains chauds, irriguer les champs et même rafraîchir les maisons, transformées en étuves par ce même soleil. C’est en prison, au cours de la lutte pour l’indépendance, que le Dr Rajendra Prasad, qui devait par la suite devenir le premier Président de la République Indienne, construisit un four en bois, surmonté d’une plaque de verre et d’un réflecteur qui concentrait les rayons du soleil sur un certain point. C’est ainsi qu’il faisait cuire sa ration quotidienne de riz. Système lent et peu efficace. Pourtant, ce four occupe aujourd’hui une place d’honneur au Laboratoire de la Nouvelle Delhi car il constitue un symbole pour les savants qui s’efforcent de résoudre le même problème avec, il est vrai, des moyens perfectionnés.

Le «chef cuisinier» de cette rôtisserie scientifique est le jeune docteur M.L. Ghai, directeur adjoint de la division chaleur et énergie du laboratoire. En dépit de sa jeunesse, il possède une liste impressionnante de titres universitaires anglais et américains. Sa cuisinelaboratoire consiste en une série de miroirs de formes et de tailles diverses montés sur trépieds. Au centre d’un grand miroir convexe de métal poli se trouve une cocotte à pression placée sur une plaque de verre qui emmagasine la chaleur. En utilisant uniquement la chaleur solaire, le Dr Ghai cuit ainsi les légumes en dix minutes environ et la viande en une demi-heure. Près de la «cocotte solaire» se trouve un miroir d’aluminium et un percolateur placé au centre d’un tube cylindrique. On peut y obtenir, en quelques minutes, du thé ou du café chauds. Perfectionnés et simplifiés, ces appareils pourraient économiser à la ménagère beaucoup de temps et d’argent.

Dans l’Inde où la chaleur du soleil suffit pour chauffer les maisons, les foyers ne sont utilisés que pour la cuisson des aliments. La briquette de bouse de vache séchée est le combustible le plus couramment utilisé dans les villages, mais elle est peu pratique. D’autre part, elle pourrait plus utilement servir comme engrais et ainsi aider le paysan à échapper à la misère et à la faim, son lot habituel.

Un système qui permettrait d’économiser du temps, du travail et du combustible serait une bénédiction pour les foyers indiens. Il suffirait pour y arriver de simplifier l’appareil du Dr Ghai et de le mettre à la portée de toutes les bourses. Mais ceci pose des problèmes très complexes.

C’est pourquoi les savants indiens, malgré leur optimisme, se montrent assez réservés quant au délai qui sera nécessaire pour aboutir.

Naturellement, jusqu’à ce qu’on trouve un procédé qui permettra d’emmagasiner la chaleur solaire, il faudra recourir aux méthodes traditionnelles pour cuire les aliments les jours où le soleil ne brille pas et le soir. Le grand avantage de la «cuisine solaire» est l’immense économie qu’elle représente.

Une fois l’appareil acheté, le soleil se charge de tout et aucun frais n’est à envisager, excepté pour l’entretien de l’installation.

Les recherches du Dr Ghai et de ses collègues dépassent d’ailleurs les problèmes de la cuisson des aliments. Quand leur appareil sera perfectionné, il pourra servir à climatiser les maisons et même à faire fonctionner des systèmes d’irrigation, le soleil prêtant son énergie aux pompes.

Article publié dans Le Crestois du 29 mars 1952

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