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Confinée sur un bateau !

À autre vie, autre confinement : un petit message de Marjorie, ancienne employée du Crestois. Elle écrit le mardi 31 mars sur sa nouvelle vie, ballottée et bercée par la Méditerranée.

« Deux mois après mon départ du Crestois pour un projet de vie tourné essentiellement vers la mer et l'apprentissage nautique, me voilà confinée comme tous, mais à bord d 'un "Amel Maramu quetch" de 14 mètres, à quai, ponton F38 à Port Camargue, le plus grand port de plaisance européen. Le temps des îles est un bateau d 'un autre temps qui inspire au voyage et s 'y prête totalement avec un aménagement intérieur "cosy", deux cabines, deux salles de bains, une coque insubmersible, un cockpit rigide. Ce bateau est sécurisé en tous points car le concepteur, rendu aveugle après la guerre, a conçu ses bateaux avec une ergonomie réfléchie pour rester autonome en navigation malgré son handicap.

Deux mois déjà donc, j’ai intégré une nouvelle équipe dans un shipchandler (magasin d 'accastillage), afin d'intégrer in situ, le langage nautique et les besoins des marins dans la continuité de mon projet. J’aspire à larguer les amarres vers la Méditerranée en étant autonome avec toutes les connaissances possibles. Le 16 mars, mon responsable me convoque dans son bureau pour m’annoncer très péniblement, que, compte-tenu du contexte COVID 19, le magasin devait fermer et ma période d 'essai s 'arrêtait par anticipation comme d’autres collègues en CDD. Sous le choc, mais avec compréhension, j 'encaisse la nouvelle en partant marcher sur la plage pour poser cette nouvelle brutale, mon projet, après des mois de préparation tombait à l 'eau...

Mon compagnon était sur le bateau, en congé au moment de la décision du confinement. Cette situation s 'est imposée à bord avec un sentiment d'interrogation sur l 'avenir et une expérience supplémentaire à vivre finalement dans la continuité du projet, vivre à bord au quotidien !

Après une semaine de bataille administrative pour m 'assurer un lendemain dans une mesure décente, sans vraiment de garantie, les journées étaient, tantôt dans l 'instant présent à vivre pleinement, avec la chance d 'être en confinement au port ; tantôt, peur de manquer, de l 'avenir sans travail, sans ressources. En effet, je souhaitais aussi proposer du shiatsu aux gens du port et mettre en place cette nouvelle activité que j’exerce depuis de longues années. Il me reste entre-autre défi, mes cours à distance pour passer un CAP coiffure mis en place dans le but, toujours, de pouvoir proposer cette prestation de nécessité n 'importe où dans le monde ou à quai dans les ports...

Les journées défilent donc avec un rythme très nouveau, entre cours connectés, surveillance du bateau intérieur et extérieur en fonction du temps, nettoyage de fond en cale, exercices de gainage ou sieste au soleil sur le pont. Les partages avec une petite communauté de quelques confinés retraités pour la plupart, se font du ponton ! Me voilà élève improvisée d'une prof d'anglais retraitée, Anita, ma voisine, avec qui je converse 30 min par jour, en face à face sur nos bateaux, afin de me préparer à l 'oral de mon examen. Et, la population est variée là autour. Thierry nous donne des conseils astucieux pour la pêche au thon, Patrick donne la solution au pompage des toilettes à main devenant résistant avec une simple huile de cuisine ... Expériences de mer, récits de voyages, astuces, conseils et entre-aide en français, anglais avec Roger et Hélène Smith et leur chienne labrador, Baylay, ayant renoncé à regagner l’Angleterre avec ces dernières nouvelles.

Finalement, le projet prend forme en tous points mais à quai, sans avoir largué les amarres, comme si ce temps était des prémices ou une préparation imposée, mais avec cette sagesse du temps qui doit compter pour toute chose ! Ce temps, cette pause que la vie nous impose aujourd'hui me parait être finalement une aubaine pour la réflexion sur nous-mêmes ... à nous d 'en tirer le meilleur parti !

D’ailleurs demain, mercredi, je tenterai une séance de qi-qong sur le pont ou peut-être une méditation guidée par la voix suave de Bernard Giraudau, ou tout simplement, privilégiée que je suis, m’offrir une balade d 'une heure sur le front de mer qui se régénère en silence grâce à l 'interdiction aux hommes de la malmener… Je vais d'ailleurs songer à confectionner des produits biodégradables en mer pour l’entretien du bateau, et réduire en conséquent, les déchets sur le bateau de flacons en tous genre qui deviennent trop volumineux en navigation.

Il reste toutefois, la frustration de ne pas avoir largué les amarres avant ...mais le bassin méditerranéen est complètement fermé à la navigation donc je me laisse bercer par le tangage tranquille de jour comme de nuit, au port, en fonction du vent, du courant qui rentre au port...

Finalement, je trouve que la distance rapproche de tout, l'essentiel, si on le laisse exister… »

Marjorie Trautmann
Publié le 1er avril 2020

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